De temps à autre, je me demande si la rencontre de personnes sans gêne pourrait faire partie intégrante de mon quotidien, si je n’y faisais pas plus attention.
L’autre jour, je suis allée à la Poste déposer un colis. En attendant gentiment mon tour et en refoulant mon impatience, je regarde les cartes postales Titi et GrosMinet et manque de tomber à la renverse en découvrant leurs prix.
Puis quand rentre une dame d’un certain âge, je la salue poliment histoire de la ménager. L’homme qui est au guichet vient de finir. Je me mets dans la queue en serpentin et avance petit à petit.
Et c’est à ce moment-là que la petite vieille avec son sac m’est passée devant, sans haine ni violence, comme si cette place lui était dû, parce qu’elle avait déjà vécu la pauvre.
J’aurai du le deviner et le lire dans ses yeux vicieux. Et là, trois possibilités se sont offertes à moi :
a) lui faire un croche-patte, elle se serait retrouvée par terre et les pompiers seraient venus, ce qui n’aurait pas arrangé mon histoire.
b) lui faire une prise de karaté digne des Yamakasi, mais elle se serait encore retrouvée par terre. Ce qui revient étrangement au cas n°1
c) lui faire une remarque, lui dire que c’était MA place. Que c’était MON heure de passer au guichet, que j’attendais là dans ce four (vous avez remarqué qu’il fait toujours extrêmement chaud à la Poste ?) depuis plus longtemps qu’elle.
Mais non, je n’ai rien fait. Mes parents ne m’ont pas donné le gêne de la repartie et je ne suis que ceinture jaune de taï-jitsu.
Je l’ai regardé impassible me passer devant et j’ai presque lu dans ses yeux vicieux un petit air de victoire.