sept 04 2008

24heures dans la peau d’une cuistot hyperbarée.

Publié par Touwity | Rangé dans 24heures

Cuisinière de bord : embarquée sur un chalutier breton équipé pour une fouille archéologique dans les eaux troubles du Rhône, voilà ma nouvelle vie.

M’activer seule dans une cuisine de 3m² pour nourrir, midi et soir, une équipe de 15 plongeurs archéologues, voilà mon nouveau job.

Ma couchette se situe littéralement à fond de cale : je soulève une trappe dans la cuisine pour rejoindre ma petite banette (non je ne dors pas en serrant très fort ma baguette de pain préférée : une banette est une petite couchette, sur un bateau) où la hauteur sous plafond est d’environ 1m10 et le sol en pente.

7h30 : comme tous les matins, après m’être fracassée le crâne contre l’une ou l’autre des poutres du plafond, je rejoins l’équipe sur le pont pour un ptit dej’ dans la joie, la bonne humeur et les restes de miettes de pain et tâches de vin rouge du repas de la veille.

8h00 : je nourris les carpes semi-apprivoisées qui squattent les eaux autour de notre bateau et se gavent de notre pain dur en nous avalant un ou deux doigts au passage.

9h00 : je file au petit supermarché du coin pour charger mon caddy ras-la-gueule, poireaute un quart d’heure en caisse pendant que la caissière appelle sa responsable pour savoir « comment on fait pour éditer une facture, c’est la fille de l’association d’archéologie qui vient tous les jours, là, tu sais ? », et manque me faire lyncher par les 3 mamies excédées qui attendent derrière moi avec leurs 2 boîtes de ronron.

10h00 : je débarque environ 1 tonne 5 de denrées alimentaire sur le quai, quémande un coup de main pour transbahuter les packs d’eau, et tâche de faire rentrer tout ça dans le minuscule frigo du bord.

10h30 : je commence à faire chauffer les marmites et à transformer ma cuisine en sauna. Un menu typique du midi ? Une salade pois chiches/cumin, deux quiches poireaux/comté, un plateau de roulades de jambon au fromage frais sur son lit de cresson, une terrine de champignons, des rillettes de thon, un plateau de charcuterie, un plateau de fromages, fruits, pain, et vin. Et j’ai environ 2h et demi pour faire sortir tout ça de ma cuisine.

13h00 : on mange. Enfin, les plongeurs qui ont fini leurs palanquées mangent, en premier service. Ceux qui bossent encore mangeront plus tard, et éventuellement, sauteront à la gorge des premiers parce qu’il ne reste plus de quiche ni du jambon aux herbes – oui mais il reste du saucisson au poivre – oui mais moi je voulais du jambon aux herbes y’en a marre des gros égoïstes puisque c’est comme ça je passe mon tour de vaisselle.

14h30 : je m’évade. En ville dans un café, en ville dans une petite rue commerçante, au fond de ma bannette avec un livre, à la plage ou à la piscine. Je me visse des écouteurs mp3 dans les oreilles pour faire semblant que je suis toute seule, je pense à une île déserte et je prends une grande respiration.

18h00 : j’attaque ma seconde apnée : retour du marmiton. Je m’attèle au repas du soir, épluche mes légumes, lave mes salades, tronçonne ma viande – et parfois un bout d’index avec – et rissole mes oignons.

20h00 : un gentil plongeur qui a raté sa vocation de barman m’amène un cocktail du jour (sex on the beach ou caipifruita, selon l’humeur du bord). Je commence un tout petit peu à me détendre et retire mon tablier.

20h30 : on passe à table. Enfin on essaie. On passe à table ? Allez les gars, on passe à table non ? Gilles, ton assiette s’il te plaît. Que de la viande ? Ok, que de la viande. Attends Emile, je t’en mettrai un plus gros bout quand j’aurais fini de servir tout le monde, qu’est ce que t’en penses ? Christine, voilà ta portion végétarienne. Tout le monde est servi ? Bon ben, bon ap’…

23h00 : un petit coup de fil à mon mari abandonné. Rapido. Le temps de prendre des nouvelles de Saucisse (« tu lui manques, elle a entamé une grève de la faim » – « non c’est pas possible ?!? » – « non je plaisante, apparemment elle s’en tamponne le gras du bide, là justement elle braille après ses croquettes »), de la maison (« c’est à quelle température qu’on lave les t-shirts déjà ? 60° non ? Et tu sais pas où est rangé l’aspiro des fois ? »), de son boulot (« … ») et de lui (« non, je sors pas… Pas envie… Je regarde la télé avec Saucisse… Et tu leur as fait quoi à manger ce soir ? Ah, poulet à l’ananas et riz cantonnais ? Et c’était bon ? Ah… Ben moi j’ai mangé un steak haché – coquillettes… Mais t’inquiète pas pour moi hein… »).

23h30 : je file sous la douche commune, tente de me faire une place au milieu des 10 bouteilles de shampoing et 15 gels douches qui traînent dans le bac, m’ébouillante 3 ou 4 fois grâce au mitigeur défaillant de la douche, et ressors de là rouge, fatiguée, mais enfin débarrassée des odeurs de graillon qui m’ont collés à la peau toute la journée.

24h00 : je replonge à fond de cale, et après m’être fracassée le crâne contre l’une ou l’autre des poutres du plafond, je m’écroule enfin dans ma couchette, bercée par un léger clapot et le doux ronflement de mon voisin de bannette.

7h30 : après m’être fracassée le crâne contre l’une ou l’autre des poutres du plafond, je rejoins l’équipe sur le pont pour un ptit dej’ dans la joie et la bonne humeur… Moi j’vous le dis, pour être cuisinière de bord, l’air de rien, on a intérêt à avoir la tête dure…

  • Ce billet a été entièrement rédigé par la plume de Boo. Demain je vous conseille d’aller rejoindre le coin d’anecdotes & coquillettes pour lire ce même billet mais avec quelques bonus et des détails croustillants… À suivre !
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Week-end à Barcelone, mon citybreak !

14 commentaires. Ajouter le vôtre ?

14 commentaires

  1. et ben pétard, c’est ce que ça doit pas être amusant tous les jours, de tartiner des roulés au jambon pour toute unr tripotée de gens!
    bravo!

  2. Rien à voir avec ce billet, sorry, mais t’es partie à NY ou pas en fait ?!!! Parce que j’ai cherché dans tes archives et rien trouvé :(

  3. Je comprend mieux pourquoi elle a pas le mal de mer boo !!
    Sympa ces petits billets 24 h !

  4. j’aime cette série 24h aussi
    que du vécu dis donc ! lol

  5. Camille : c’est du boulot !

    Plastie & Cie : non je ne pas pas à New-York, c’est ma soeurette qui part à ma place. Elle fera plein de photos et les publiera sur son blog :)

    Malou : il ne vaut mieux pas avoir le mal de mer, c’est certain !

    e-zabel : merci :)

  6. Je mangerais bien une quiche poireaux/comté tiens moi :-)

  7. MissBrownie : moi aussi, je mangerai bien une quiche poireaux au comté… Surtout qu’en ce moment c’est bien dur de se faire à manger quand les placards sont plus que vides !

  8. J’aime beaucoup, notamment « mon voisin de bannette »…

  9. Chouyo : les expressions de Boo, c’est toute une histoire ! J’aime beaucoup « je m’en tamponne le coquillard »…

  10. Ca sent le vécu : Boo a travaillé dans la cuisine collective ??

  11. emanu : j’y travaille en ce moment même :)
    Et pour un mois encore… C’est du vécu 100% véridique, garanti sans romance, qui me tient un peu loin de chez moi (et du net) en ce moment.

    PS: la quiche au comté, ça déchire et c’est ultra simple =) Si y’a des preneuses je ferai ptet un article spécial recettes de bord quand j’aurais fini ma mission :)

  12. manu : comme ça on ne suit pas le feuilleton de l’été chez Boo?

    Boo : je suis preneuse de cette fameuse recette!

  13. Test

  14. Mam'Zelle YoKo dit :
    le Mardi 09 septembre, 2008 @ 9:54

    huhu ! et ben !!! je préfère de loin mon coté, à table à attendre que l’on me serve et faire péter ma bedènne !! :D hihiih

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